Le pentacol - Chapitre 3 : L'atelier

Publié le par Weird

Ainsi donc, Gwennen avait finalement été capturée ? Je ne me souvenais plus vraiment des détails, mais il me semblait qu’elle avait pourtant réussi à m’échapper au Manoir de l’Absolu. Je m’apprêtai à la ramener au château lorsque… Je ne m’en rappelai plus. J’avais vaguement la sensation d’avoir été attaqué, mais par qui ? Instinctivement, je portai une main à mon front, et je ressentis une légère douleur, comme le souvenir d’une ancienne blessure. Peu importait ce qui ce fût passé, l’essentiel était qu’elle se trouva désormais sous les verrous. Le fait que le Maître me l’offrit prouvait qu’il était satisfait de mon travail, et que j’avais su me montrer digne de la confiance qu’il avait placée en moi. Qu’allais-je donc bien pouvoir faire de Gwennen ? J’avais l’intuition qu’il fallait que je l’exécute, mais puisqu’elle était à ma merci, pourquoi ne pas m’amuser un peu avec elle auparavant ? Je sentais confusément qu’elle représentait une menace, mais l’envie de l’humilier et de la terrifier l’emportait sur la prudence. Si jamais les choses commençaient à mal tourner, il serait toujours temps de m’en débarrasser... De manière lente et douloureuse... Peut-être en l’étranglant progressivement, pour que son agonie dure suffisamment…

Le boggart qui se trouvait à mes côtés toussota stupidement, me tirant de mes agréables pensées. Je reportai mon attention sur sa pitoyable face, aussi sèche et parcheminée que celle d’une momie. « Autre chose ? » aboyai-je à son attention. « Oui Seigneur. », me-répondit-il, « Avant de partir, le Maître a terminé l’atelier. Il a dit que vous en auriez la responsabilité, et qu’il espérait trouver de nouvelles troupes à son retour. ». « A-t-il dit quand il reviendrait ? » lui demandai-je. « Non Seigneur, mais nous avons déjà plusieurs recrues qui attendent. ». « Tout ceci est excellent. », lui répondis-je, satisfait de ces informations. « Conduis-moi à eux. ». Tandis que le boggart me guidait à travers les couloirs, s’orientant à l’aide du code que j’avais fait inscrire sur les portes, je me mis à penser à l’avenir. Les choses se déroulaient selon les plans que le Maître et moi avions mis en place. La gardienne et sa fille ne semblaient plus être un problème. Le château était sous notre contrôle, ainsi qu’une bonne partie des terres alentour. Avec un atelier fonctionnel sur place, nous allions pouvoir éviter ces lents transferts de troupes depuis la Forteresse. Dans peu de temps, le domaine tout entier m’appartiendrait, et nous pourrions passer à l’étape suivante. Mon choix n’était pas encore définitif, mais l’idée de m’attaquer à ce traître de Peintre me semblait séduisante.

Après plusieurs minutes de progression, nous arrivâmes à une vaste pièce située à l’arrière du château. Le Maître avait effectivement terminé de l’aménager car j’avais devant moi la réplique de l’atelier de sa Forteresse. Ce lieu m’avait fait une forte impression la première fois que j’y étais entré, et je ressentis un frisson d’excitation à l’idée de disposer de mon propre atelier. Celui-ci comportait pour l’instant six tables de pierre, mais la salle était suffisamment grande pour doubler ce chiffre à l’avenir. Distraitement, je congédiai le boggart qui m’avait servi de guide. Ce dernier obéit promptement, manifestement soulagé que mon intérêt se porta désormais sur les lieux. Entre les tables se dressait le matériel nécessaire au fonctionnement de l’atelier, complexe assemblage de mécanismes et de tuyaux. Et, parqués dans des cages dressées contre le mur gauche de la pièce, les recrues attendaient. Il y avait là une dizaine d’hommes d’apparence misérable, terrés au fond de leurs enclos. Bien que la plupart évita de me regarder, quelques-uns me fixaient avec une haine clairement affichée. Cela ne m’affecta en rien. Dans peu de temps, ils auraient oublié tout ressentiment à mon égard…

Dans le fond de la pièce, un rideau bougea et l’Embaumeur entra dans l’atelier. J’avais déjà eu affaire à lui à deux reprises, et sa présence m’avait toujours mis mal à l’aise. Physiquement, seuls sa taille et ses yeux le différenciaient des boggarts. Tandis que ces derniers mesuraient entre 1m40 et 1m70 pour les plus grands, l’Embaumeur me dépassait d’une bonne tête. Quant à ces yeux, au lieu des habituelles cavités obscures, ils pulsaient d’une désagréable lueur vert-jaune. Malgré mes questions, le Maître n’avait jamais voulu m’en dire plus sur sa nature ni son origine. Bien qu’il se fut toujours montré affable envers moi, j’avais le sentiment qu’il était trop conscient de son unicité. D’un autre côté, nous avions besoin de ses talents, et je ne voyais pas ce que j’aurai pu faire à part rester vigilant à son égard. Il vint se placer face à moi et me salua d’un étrange mouvement de ses bras trop maigres. « Alors… » lui demandai-je, « …est-ce que tout est prêt par ici ? ». « Oui Seigneur. » me répondit-il de sa voix lente. « Le Maître ayant achevé la construction de l’atelier, il m’a demandé de venir m’en occuper. J’attendais votre retour pour traiter les premières recrues. ». D’un ton plus insidieux, il poursuivit : « Vous avez d’ailleurs mis beaucoup de temps à revenir. Etes-vous sûr que tout va bien ? ».

Sa question m’agaça au plus haut point, mais je choisis de rester diplomate. « Un contretemps sans conséquence. » répondis-je pour clore le sujet. « Quoi qu’il en soit, je suis impatient de te voir à l’œuvre. Ces premiers boggarts seront les bienvenus pour remplacer nos pertes. ». « CE premier boggart. » corrigea l’Embaumeur, visiblement content de me contredire. « Je ne vais pas risquer de gâcher plusieurs recrues, alors que nous n’avons pas encore utilisé ce nouvel atelier. ». « D’accord, faisons sans tarder un premier test. » approuvai-je, énervé par son attitude et par ce délai imprévu. D’un pas vif, je vins me poster devant les cages. Maintenant qu’ils savaient que l’un d’entre eux allait servir de cobaye, même les prisonniers les plus agressifs tentaient de se faire oublier. Après m’être délecté de leur terreur, je déverrouillai d’un geste l’une des serrures. L’homme à l’intérieur poussa un glapissement effrayé, et empoigna les barreaux pour échapper à son destin. Les autres, à la fois angoissés et soulagés de n’avoir pas été choisis, le regardaient s’agiter. Rapidement, je l’arrachai à sa cage et l’obligeai à avancer en direction de la table la plus proche. Cette démonstration de ma capacité à le contrôler sans le toucher ne fit qu’augmenter la peur des prisonniers qui devint, pour mon plus grand bonheur, presque palpable.

Après avoir forcé l’homme à s’allonger, je le maintins dans cette position tandis que l’Embaumeur attachait solidement ses membres. Puis il commença à préparer son équipement, manipulant avec un plaisir évident sa machinerie. « Combien de temps pour celui-là ? » le questionnai-je. L’Embaumeur se saisit d’une énorme seringue remplit d’un liquide saumâtre avant de me répondre : « Trois jours environ, mais ce temps sera réduit de moitié par la suite lorsque les machines seront rodées ». « Très bien. » répondis-je, « Fais-moi prévenir à ce moment-là, ou immédiatement si tu rencontres le moindre problème. ». Mon interlocuteur approuva de sa tête desséchée, avant de plonger son aiguille dans le cou de la recrue. Pleinement satisfait, je laissai l’Embaumeur à son travail et quittai l’atelier. Dans trois jours maintenant, le premier boggart créé au château serait disponible. La production pourrait ensuite démarrer, et je me retrouverai bientôt à la tête d’une armée entièrement dévouée à ma cause. C’est avec la satisfaction du travail bien fait que je pris la direction du sous-sol. J’avais hâte de fêter la mise en œuvre de l’atelier, et je me délectai à l’avance de retrouver Gwennen…

Publié dans Chroniques

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T
oui, mais la deuxième colle aussi!
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W
- Tortoise : Tu as raison, ce sont des chapitres assez "méchants" en ce moment :-)
T
Diabolique!
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W
- Tortoise : Diabolique : adj. (lat. diabolicus). 1) Qui vient du diable, démoniaque. 2) Très méchant, pernicieux. 3) Bizarre, étonnant... Hum, j'espère que c'est à la dernière définition que tu pensais en écrivant ce commentaire :-)
T
Weird : c'est un coup de chance... j'errais sur le net pendant ma pause entre révisions de la Révolution et révisions de la Révolution, et oh ! que vois-je ? un nouveau chapitre à lire ! ;-)
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W
- The Wanderin : Cool alors, je suis content d'être bien tombé pour t'offrir une petite pause littéraire dans ce week-end si sérieux !
D
Heureusement il ne semble pas penser donner ce sort à Gwennen ! (je dis "il" parce que ce n'est pas "vraiment" toi, ce sadique...)
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W
- DDC : Je te remercie de le préciser, car moi je suis un gars sympa ;-)
T
La narration est toujours impeccable, autant quand il s'agit du gentil haut-rêvant que du sadique ;-) Cet atelier est proprement ignoble, et la satisfaction animale du haut-rêvant devant la peur des prisonniers, effrayante... Pauvre Gwennen, là j'ai vraiment peur pour elle ! <br /> Remarque, on sait (presque) enfin comment sont "fabriqués" les gnomes... (Petite faute : toussota et pas toussotât ;-)
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W
- The Wanderin : Plus rapide que l'éclair, tu lis & commentes dans les minutes qui suivent le moment où je poste !!! Merci pour les compliments & pour avoir remarqué la faute, désormais corrigée :-) Quant aux ateliers, oui, ce ne sont effectivement pas des endroits très sympas, je te le confirme...