Le pentacol - Chapitre 2 : Au service du mal

Publié le par Weird

Une nuit, sans aucun signe avant-coureur, je basculai en effet dans les contrées du rêve. Je m’étais pourtant endormi comme les soirs précédents, sans espoir particulier. Cependant, à mon réveil, je sus avant même d’ouvrir les yeux que j’étais de retour sur la Lune. A demi-conscient, je profitai des derniers instants de mon sommeil tout en savourant la situation. Sans pouvoir me l’expliquer, je me sentais parfaitement détendu, comme si rien de déplaisant n’avait pu m’arriver. Les hautes-terres recelaient pourtant leur lot de danger, mais j’avais le sentiment d’être au-dessus de tout cela. C’est sur cette pensée agréable que je finis par me réveiller complètement. J’étais allongé dans un lit moelleux, au sein d’une somptueuse et vaste chambre. Bien que je ne pus identifier ce lieu, il me semblait familier, comme si j’y étais déjà venu de nombreuses fois auparavant. Repoussant les couvertures, je constatai que, pour la seconde fois, j’étais arrivé nu en ces contrées. Des vêtements luxueux, mais assurément à ma taille, reposaient sur une chaise. Je les passai et me dirigeai vers la porte.

J’allai l’ouvrir lorsque je fus soudainement envahi par le doute. Ce n’était pas de l’inquiétude, mais plutôt une brusque envie de comprendre. Je connaissais cette chambre sans pour autant m’en souvenir, ces vêtements princiers m’allaient parfaitement, et j’allai sortir sereinement sans même savoir ce qui se trouverait derrière la porte. Une idée me traversa l’esprit : « Et si un boggart se trouvait juste derrière ? », aussitôt suivie d’une autre : « Et quand bien même ? ». C’était un sentiment bien difficile à décrire : j’étais à la fois conscient d’agir peu prudemment, et tellement sûr de moi que je n’arrivais pas à me raisonner pour autant. Je me retournai brusquement, examinant la pièce avec la sensation d’oublier quelque chose, jusqu’à ce que mon regard se pose sur la carafe…

Je fis aussitôt demi-tour et me servis un verre du breuvage qu’elle contenait. Le vidant d’un trait, je sentis avec délectation le cognac glisser dans ma gorge, puis aller se loger dans mon estomac. Une intense chaleur explosa dans mon ventre, puis remonta jusqu’à mon cerveau comme une vague de plaisir. J’avais enfin les idées claires ! Légèrement agacé par mes précédentes hésitations, je secouai la tête et fis jouer la poignée de la porte. Celle-ci s’ouvrit sur un large couloir qui desservait de nombreuses autres pièces. Si l’architecture des lieux m’était aussi familière que celle de ma chambre, je reconnus avec certitude le château de la Harpiste. Mais ce qui attira surtout mon attention fut évidemment le boggart qui se trouvait là.

Posté sur une chaise quelques mètres plus loin, il avait bondi sur ses pieds lorsque j’avais ouvert la porte. Cet idiot bougeait si maladroitement qu’il en était presque comique. Il trottina sur ses courtes jambes et vint se planter devant moi, en une espèce de grotesque garde-à-vous. Je ressentis à son égard une légère répulsion mêlée de mépris, et l’idée que je pourrai le terrasser sans difficulté me fit sourire. Levant son visage parcheminé et immobile vers moi, il demanda d’une voix servile : « Vous êtes enfin de retour, Seigneur ? ». Posant des yeux méprisants sur lui, je lui répondis d’un ton glacial : « A ton avis, cloporte ? ». Le gnome eut un léger mouvement de recul, et ses manières craintives m’agacèrent tellement que j’eu la soudaine envie de mettre fin à sa misérable existence. Il dut le lire sur mon visage, car il choisit de reculer de quelques pas et de baisser la tête en signe de soumission. Bien lui en prit, car je n’étais pas vraiment d’humeur à supporter une quelconque insubordination.

Je me mis à marcher d’un pas vif dans le couloir, tant pour le plaisir de sentir onduler ma cape que pour obliger le boggart à courir pour me suivre. Tout en restant à une distance qu’il estimait raisonnable, il me tint au courant des dernières nouvelles. « Le Maître est repartit à la Forteresse depuis plusieurs jours maintenant. Mais ne vous inquiétez pas, tout à été fait selon ses ordres. Nous avons terminé l’exploration du château, et toutes les pièces vous sont désormais accessibles. ». Avec une pointe de fierté, il ajouta, « Seule une vingtaine d’entre nous ont péris en désamorçant les derniers pièges de la sorcière. ». Je fis un rapide calcul, et estimai qu’il s’agissait effectivement d’un chiffre acceptable. « Et avec elle ? », lui demandai-je, « Où en sommes-nous ? ». Le boggart, à moitié empêtré dans son manteau, trébucha avant de me répondre : « Le Maître m’a personnellement demandé d’attendre votre retour, pour vous donner des ordres précis. ». A ces mots, mon sang ne fis qu’un tour, et je projetai mentalement le gnome contre le mur le plus proche. « Pardonnez-moi Sss… Seigneur ! » supplia-t-il d’une voix sifflante, « Je voulais parler d’ordres venant du Maître. Jamais je… je n’aurai osé vous donner… ». Je le laissai retomber sur le sol, à la fois satisfait et exaspéré par ses excuses.

« Parle », lui ordonnai-je, « Quelles instructions m’a-t-il laissées ? ». Le boggart se releva péniblement et poursuivit : « Il a dit que vous ne deviez pas approcher la sorcière, car il n’en avait pas finit avec elle. ». Je pris bonne note de cette information… A vrai dire, cet ordre ne me gênait pas du tout, au contraire. Moins je verrai cette maudite musicienne, mieux je me porterai. « Quoi d’autre ? » crachai-je au visage du boggart. « Il m’a aussi dit de vous rappeler de ne pas oublier votre breuvage. Il faut que vous en buviez au moins… ». « Je sais tout cela par cœur ! » l’interrompis-je, agacé. « Ne t’a-t-il donc rien dit d’important, qui justifie que je te laisse en vie malgré ton insolence ? ». Le gnome sembla – si c’était encore possible – se tasser un peu plus sur lui-même tandis qu’il cherchait une réponse. « La fille ! » glapit-il soudainement. « La fille est ici, dans une cellule ! Et le Maître a dit que vous pouvez en faire ce que vous voulez. ». Ma colère retomba aussitôt, pour laisser la place à une satisfaction perverse. Enfin une bonne nouvelle ! La nuit risquait finalement d’être intéressante…

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T
J'attend avec impatience l'épisode du chat héroïque et du point où nous as laissé le récit de Gwennen, en espérant une monumentale prise de conscience, tardive mais inespérée!!
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W
- Tortoise : Hum, j'ai l'impression que tu t'es un peu égarée dans le temps du rêve (il faut dire que ce n'est pas simple). Le boggart annonce que Gwennen est emprisonnée au château, donc l'épisode du chat au manoir est déjà passé... Peut-être t'es-tu trompée à cause d'un paradoxe en particulier (que je ne citerai pas ici par respect pour les autres lecteurs), mais dans ce cas je te rassure, il y aura une explication :-D
T
hé ben... mince alors ! Moi qui croyais que tu allais redevenir toi... je t'ai pourtant envoyé des ondes télépathiques pour ne pas que tu boives ce fichu cognac, mais ça n'a pas marché ! Par contre, ça fait plaisir de voir un boggart s'en prendre plein la figure ;-D
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W
- The Wanderin : Merci pour tes ondes, hélas ce texte n'est pas interactif ! Ah et puis j'en profite pour te dire qu'il y a (encore) un soucis avec ta boite mail, car mon dernier envoi (en réponse à ton message du 21) ne t'est jamais arrivé. Appelez-moi la direction... ;-)
M
le pauvre boggart n'en revient pas, tu lui as fait peur!!
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W
- Mae : Pour une fois que ce n'est pas l'inverse ;-)
D
Gloups ! T'as pas l'alcool gentil on dirait ;-)(je crois qu'il y a une 'tite faute de frappe : *sa* misérable existence)
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W
- DDC : Il faut dire que ce n'est pas de l'alcool ordinaire ! Et merci beaucoup pour avoir repéré la faute, je viens de la corriger :-)